Gestion des manquements pour une peine comportant de la garde (excluant le différé)

Pratiques cliniques

La gestion des manquements peut se définir comme un ensemble d’interventions cliniques et légales réalisées auprès d’un adolescent à la suite d’un non-respect d’une ordonnance ou d’un manquement à une condition.

L’objectif premier de la gestion des manquements est la protection du public, à la fois dans un souci de réhabilitation, et dans le contexte d’interventions auprès d’adolescents présentant souvent un profil de risque de récidive élevé dans leur milieu naturel.

Tout manquement doit faire l’objet d’une intervention personnalisée faite avec célérité, effectuée selon l’évaluation différentielle, dans le but de protéger le public et de responsabiliser l’adolescent face à sa conduite, et se faire en collaboration avec les parents et la communauté.

Cadre légal et rôle du DP/délégué jeunesse

L’article 90 LSJPA précise le rôle du délégué jeunesse désigné par le DP, notamment son rôle de surveillance. Ce dernier joue un rôle fondamental :

90 (1) Lorsque l’adolescent est placé sous garde en exécution d’une peine spécifique, le directeur provincial de la province où l’adolescent est placé désigne sans délai le délégué à la jeunesse qui travaillera avec l’adolescent à préparer la réinsertion sociale de ce dernier, notamment par l’établissement et la mise en œuvre d’un plan qui prévoit les programmes les mieux adaptés aux besoins de l’adolescent en vue d’augmenter le plus possible ses chances de réinsertion sociale.

Suivi pendant la période de surveillance

(2) Il assume aussi la surveillance de l’adolescent qui purge une partie de sa peine spécifique au sein de la collectivité en application des articles 97 ou 105. Il continue de lui fournir l’appui nécessaire et l’aide à observer les conditions imposées aux termes de cet article ainsi qu’à mettre en œuvre le plan de réinsertion sociale. (nos soulignements)

Une série d’articles prévoient les modalités de gestion des manquements en lien avec diverses peines comportant un placement sous garde.

Pour remplir son mandat de surveillance, le DP exerce plusieurs responsabilités qui lui sont dévolues par le législateur. Il doit intervenir dès qu’il a un motif raisonnable de croire que l’adolescent a enfreint, ou est sur le point d’enfreindre, une condition qui lui est imposée pendant la période purgée au sein de la collectivité. L’appréciation de ce manquement réel ou appréhendé doit reposer sur des faits matériels observables et vérifiables, et non sur de simples doutes vagues et hypothétiques. Il n’est pas nécessaire qu’il y ait plus qu’un manquement à une condition, un seul peut suffire. Par contre, il doit y avoir un lien direct entre la conduite de l’adolescent et les conditions de la peine. Les éléments suivants sont à prendre en compte dans l’évaluation du manquement :

§ Le type de condition non respectée;

§ Les facteurs de risque ciblés par cette condition;

§ La gravité et la fréquence du manquement;

§ Le délai depuis la fin du placement sous garde;

§ Le pronostic établi quant au niveau de risque de récidive;

§ L’ensemble de la conduite de l’adolescent;

§ L’attitude à l’égard du manquement;

§ La nature du manquement;

§ Tout manquement antérieur.

Le DP doit évaluer la situation/le manquement, et décider soit (i) de permettre à l’adolescent de continuer à purger sa peine au sein de la collectivité, aux mêmes conditions ou non, ou soit (ii) d’ordonner sa mise sous garde pour une période maximale de 48 heures, le temps de poursuivre son évaluation, dans les cas où le manquement est important et porte atteinte à la sécurité du public.

Au terme du délai de 48 heures, le DP doit avoir déterminé si oui ou non il réfère le cas au tribunal. Par rapport à la computation du délai de 48 heures, il est à noter qu'il s'agit d’un délai maximum de 48heures pour prendre une décision quant à la suite à donner (ex : saisir le tribunal par le dépôt d’une procédure, ou non), et non pas 48 heures pour que le juge rende une décision sur l’examen. Il s’écoule généralement quelques jours entre le dépôt de la procédure et l’audience devant le tribunal de la jeunesse puisqu’un avis écrit de 5 jours doit être envoyé à l’adolescent et à ses parents, délai auquel ils peuvent renoncer. Un rapport est également déposé.

Il est important de souligner que le DP dispose même du pouvoir de délivrer, si indiqué et nécessaire, un mandat d’arrestation contre l’adolescent dont la liberté/surveillance est révoquée (voir article 107).

Rôle du tribunal

Si le DP décide de soumettre le cas au tribunal, le tribunal peut :

a) si le tribunal n’est pas convaincu du manquement réel ou appréhendé, il ordonne à l’adolescent de continuer de purger sa peine spécifique au sein de la collectivité, auquel cas il peut en modifier les conditions ou en imposer de nouvelles;

b) si le tribunal est convaincu qu’il y a eu manquement réel ou appréhendé, il rend l’une des ordonnances suivantes : soit 1) la poursuite de la surveillance dans la collectivité ou de la liberté sous condition, en modifiant ou non les conditions imposées; ou soit 2) ordonner le maintien de la suspension de la liberté pour une période ne dépassant pas le reste de la durée de la peine de placement sous garde et surveillance au sein de la collectivité.

A noter aussi qu’en vertu des dispositions de l’article 88 de la LSJPA, l’article 24.1 de la Loi sur les jeunes contrevenants (LJC) continue de s’appliquer, en y apportant les adaptations nécessaires. Par conséquent, lorsque le tribunal décide de révoquer la période de surveillance au sein de la collectivité, il a l’obligation de déterminer le niveau de garde requis, fermé ou ouvert, et ce, indépendamment du niveau de garde établi par le tribunal au moment de l’imposition de la peine de garde. Il le fera en tenant compte des critères établis par 24.1 (4) LJC:

a) le type de garde imposé à l’adolescent doit constituer un minimum d’interférence et d’internement compte tenu de la gravité de l’infraction et des circonstances dans lesquelles celle-ci a été commise, des besoins de l’adolescent et de sa situation personnelle – notamment proximité de la famille, d’une école, d’un emploi et de services sociaux –, de la sécurité des autres adolescents sous garde et de l’intérêt de la société;

b) le type de garde doit permettre la meilleure adéquation possible entre le programme, d’une part, et les besoins et la conduite de l’adolescent, d’autre part, compte tenu des résultats de son évaluation;

c) les risques d’évasion si l’adolescent est placé en milieu ouvert;

d) la recommandation, le cas échéant, du tribunal pour adolescents ou du directeur provincial, selon le cas.

Bref, lors de tout manquement, il faut retenir que la crédibilité de l’intervention exige que toute récidive commise pendant la période de surveillance au sein de la collectivité soit évaluée et fasse l’objet d’un plan de rattrapage/rappel à l’ordre formel ou entraîne un ordre de mise sous garde par le directeur provincial si les circonstances le justifient et/ou un examen devant le tribunal, en plus des accusations qui pourraient être portées contre l’adolescent à la suite d’un nouveau délit.

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