Les rapports Gladue

Pratiques cliniques

Les dispositions législatives :

La LSJPA prévoit des dispositions particulières s’appliquant aux adolescents autochtones. En effet, sa déclaration générale de principe mentionne que les mesures prises à l’égard des adolescents doivent viser à « prendre en compte les besoins propres aux adolescents autochtones »[1]. De plus, en matière de détermination de la peine, toutes les sanctions applicables ne comportant pas de garde doivent être envisagées par le tribunal, et ce, plus « particulièrement en ce qui concerne les adolescents autochtones »[2]. Autrement dit, lorsqu’il doit déterminer la peine spécifique à être imposée à un adolescent autochtone, le tribunal doit examiner « toutes les sanctions substitutives qui sont raisonnables dans les circonstances et qui tiennent compte du tort causé aux victimes ou à la collectivité »[3]. 

L’arrêt R. c. Gladue :

Dans l’arrêt R. c. Gladue[4]rendu en 1999, la Cour suprême du Canada analyse les principes régissant l’application de l’article 718.2 e) du Code criminel. Cette disposition présente un caractère réparateur et a pour objet de « remédier au grave problème de la surreprésentation des autochtones dans les prisons et d’encourager le juge à aborder la détermination de la peine selon une approche corrective[5] »[6]. L’article 718.2 e) du Code criminel impose aux juges d’analyser la détermination de la peine à infliger à un délinquant autochtone d’une façon individualisée, en considérant notamment les :

facteurs systémiques ou historiques distinctifs qui peuvent être une des raisons pour lesquelles le délinquant autochtone se retrouve devant les tribunaux (faibles revenus, haut taux de chômage, instruction insuffisante ou inadéquate, abus de drogues et d’alcool, isolement, fragmentation des communautés, historique des pensionnats, abus intergénérationnels);

types de procédures de détermination de la peine et des sanctions qui, dans les circonstances, peuvent être appropriées à l’égard du délinquant en raison de son héritage ou attaches autochtones[7];

Pour ce faire, le tribunal pourra « prendre connaissance d’office des facteurs systémiques et historiques généraux touchant les autochtones, et de la priorité donnée dans les cultures autochtones à une approche corrective de la détermination de la peine »[8]. Ces renseignements pourront être soumis au tribunal par le biais d’un rapport (depuis cet arrêt, communément appelé « rapport Gladue ») ou des observations présentées par les avocats ou la communauté autochtone du délinquant. La Cour suprême souligne également que l’article 718.2 e) du Code criminel s’applique à tous les délinquants autochtones peu importe leur lieu de résidence (à l’intérieur comme à l’extérieur d’une réserve, dans une grande ville ou dans une zone rurale)[9].

L’arrêt R. c. Ipeelee :

Dans l’arrêt R. c. Ipeelee[10] rendu en 2012, la Cour suprême du Canada réitère l’importance des principes énoncés dans l’arrêt R. c. Gladue et elle mentionne qu’un rapport Gladue est indispensable au tribunal pour exécuter l’obligation imposée par l’article 718.2 e) du Code criminel[11]. La Cour suprême affirme que le défaut du tribunal d’appliquer les principes établis dans l’arrêt R. c. Gladue à l’endroit d’un délinquant autochtone entraîne « l’imposition d’une peine injustice et incompatible avec le principe fondamental de la proportionnalité »[12].

Les rapports Gladue en matière de LSJPA au Québec:

En matière de LSJPA au Québec, aucune règle particulière n’encadre l’utilisation de rapports Gladue. Le Ministère de la Justice et le Ministère de la Santé et des Services sociaux n’ont pas émis de recommandations à l’égard de l’utilisation de ces rapports dans le processus de détermination de la peine des adolescents autochtones contrevenants. En pratique, il semblerait que la production de rapports Gladue s’avère encore aujourd’hui exceptionnelle. Il est à noter qu’un rapport prédécisionnel confectionné par le Directeur provincial et faisant état de la situation personnelle de l’adolescent et de sa famille est régulièrement soumis au tribunal avant que celui-ci ne prononce une peine spécifique[13].


[1] Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, LC 2002 ch 1, art 3(1)c)(iv) [LSJPA].

[2] LSJPA, supra note 1 art 38(2)d).

[3] Ibid, art 50(1); Code criminel, art 718.2e).

[4] R. c. Gladue, [1999] 1 RCS 688.

[5] La justice corrective peut se définir comme « une conception de la réponse au crime selon laquelle, tout étant interrelié, le crime vient rompre l’harmonie qui existait avant sa perpétration, ou du moins l’harmonie souhaitée. L’adéquation d’une sanction donnée est alors largement déterminée par les besoins des victimes et de la communauté, ainsi que par ceux du délinquant. L’accent est mis sur les êtres humains touchés de près par le crime. » Il est à noter que « les notions traditionnelles de sanction chez les autochtones accordent pour la plupart une importance primordiale aux idéaux de justice corrective ». Voir: Ibid, aux paras 70-71.

[6] Ibid, au para 93.

[7] Ibid, au para 66.

[8] Ibid, au para 93.

[9] Ibid, au para 93.

[10] R. c. Ipeelee, [2012] 1 RCS 433.

[11] Ibid, au para 60.

[12] Ibid, au para 87.

[13] LSJPA, supra note 1 art 40.

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