Les règles de constitution, d’accès et de destruction de dossiers LSJPA

Pratiques cliniques

Constitution de dossier

Afin de remplir leur mission, les différents acteurs concernés par l’application de la LSJPA peuvent constituer des dossiers sur les adolescents auprès de qui ils interviennent. Par « acteurs », on entend le tribunal pour adolescents, des corps policiers y compris la GRC, ou encore un ministère ou organisme public ou privé concerné par l’application de la LSJPA.

Un « dossier » se défini comme « toute chose renfermant des éléments d’information, quels que soient leur forme et leur support, notamment microforme, enregistrement sonore, magnétoscopique ou informatisé, ou toute reproduction de ces éléments d’information, obtenus ou conservés pour l’application de la présente loi ou dans le cadre d’une enquête conduite à l’égard d’une infraction qui est ou peut être poursuivie en vertu de la présente loi. » La tenue des dossiers est régie par des règles strictes, afin d’assurer la protection de la vie privée des intéressés. Ces règles portent notamment sur: les modalités d’accès aux dossiers, telles que les personnes autorisées à y avoir accès, la possibilité d’en obtenir une copie, la durée de la période d’accès, de même que les règles de conservation et de destruction desdits dossiers.

Il existe plusieurs registres contenant des informations relatives aux adolescents; pour ne nommer que les principaux :

  • Centre de renseignements policiers du Québec (CRPQ);
  • Centre d’information de la police canadienne (CIPC);
  • Le Registre provincial LSJPA, dans lequel sont recueillis les renseignements concernant les adolescents du Québec qui ont fait l’objet soit de mesures extrajudiciaires, de sanctions extrajudiciaires ou encore de peines spécifiques. La consultation de ce registre est réservée au Directeur des poursuites criminelles et pénales, au Directeur provincial et aux corps policiers;

L’article 115 précise que le corps policier qui a procédé à l’enquête sur l’infraction imputée à l’adolescent peut inclure dans le dossier les empreintes digitales et la photographie de l’adolescent. D’ailleurs, l’article 113 établit que les adolescents peuvent être soumis à la prise d’empreintes digitales et de photographies en rendant applicable aux adolescents contrevenants la Loi sur l’identification des criminels. Attention toutefois, certaines règles particulières s’appliquent à l’accès aux dossiers constitués par la GRC.

L’article 116 prévoit la possibilité, pour tout autre organisme public ou privé concerné par l’application de la LSJPA, notamment les CIUSSS et CISSS, de constituer des dossiers afin de conserver des renseignements concernant les adolescents qui font l’objet de leur intervention. Toutefois, au Québec, c’est la Loi sur les services de santé et les services sociaux (« LSSSS ») qui impose aux établissements créés en vertu de cette loi l’obligation de constituer un dossier pour chaque usager.

Modalités d'accès au dossier

L’accès au dossier se défini comme la consultation du dossier, la faculté de pouvoir en prendre connaissance, voire même d’en faire copie. Les règles concernant l’accès sont différentes de celles liées à la communication de renseignements, lesquelles font l’objet d’une fiche spécifique de la trousse.

L’article 118 établit le principe général selon lequel il est interdit de donner accès à un dossier d’adolescent, sauf lorsqu’une autorisation est prévue par la LSJPA. Ce principe souffre deux exceptions majeures : lorsque l’adolescent est condamné à une peine pour adultes, ou lorsqu’il récidive à l’âge adulte alors que la période d’accès n’est pas expirée. Dans les deux cas ce sont alors les règles applicables aux adultes qui s’appliquent.

En résumé, pour accès, il faut : 1- en faire la demande, et 2- s’inscrire dans la période d’accès, et 3- être autorisé au sens de la loi.

Justement, qui est « autorisé » ? L’article 119(1) énonce la liste des personnes qui ont accès, de plein droit, aux dossiers constitués par le tribunal pour adolescents. Sans être une liste exhaustive, il s’agit principalement de:

  • l’adolescent qui fait l’objet du dossier
  • l’avocat de l’adolescent ou son représentant
  • le DPCP
  • la victime de l’infraction visée par le dossier
  • le père et la mère de l’adolescent, au cours des procédures relatives à l’infraction visée par le dossier et pendant la durée d’application de toute peine spécifique
  • un adulte qui assiste l’adolescent pendant les procédures judiciaires ou durant la peine imposée
  • tout agent de la paix, tout juge, tribunal ou commission d’examen
  • le directeur provincial ou le directeur de l’établissement correctionnel provincial ou du pénitencier
  • tout membre du personnel ou mandataire d’un ministère ou d’un organisme public canadien (y compris tout membre du personnel d’une organisation avec laquelle un tel ministère ou organisme a conclu une entente), afin : - d’exercer les attributions confiées pour l’application de la LSJPA, - d’assurer la surveillance de l’adolescent ou d’enquêter en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ), - d’examiner une demande de libération conditionnelle ou de réhabilitation, - de veiller au respect d’une interdiction imposée en vertu d’une loi fédérale ou provinciale, - d’assurer l’application d’une peine spécifique purgée dans un établissement pour adultes;
  • toute autre personne autorisée par le tribunal pour adolescents, lorsque celui-ci estime que cette personne a un intérêt légitime dans le dossier, soit pour les besoins de recherche et de statistique, soit aux fins d’une bonne administration de la justice.

Cet article prévoit, pour les autres organismes qui conservent des dossiers concernant un adolescent – pensons aux corps policiers et aux organismes publics et privés, comme les centres intégrés et les organismes de justice alternative – la possibilité de donner accès aux dossiers des adolescents aux mêmes personnes nommées à 119(1) (voir ci haut).

Plus particulièrement pour les services de protection et de réadaptation pour les jeunes en difficulté d’adaptation du centre intégré, les règles fixées par la LSSSS en matière d’accès aux dossiers s’appliquent aux dossiers constitués en vertu de la LSJPA, lorsqu’elles ne sont pas incompatibles avec les dispositions de la LSJPA. Les autres lois québécoises, qui réglementent le traitement des dossiers et des renseignements qui y sont contenus, peuvent également trouver application, par exemples la Loi sur les archives ou la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (LADOPPRP) ou encore le Code civil du Québec.

Quant à l’accès aux dossiers constitués par les services de protection et de réadaptation pour les jeunes en difficulté d’adaptation du centre intégré (CIUSSS/CISSS), ce sont les personnes suivantes qui sont autorisées:

  • l’adolescent qui fait l’objet du dossier;
  • le titulaire de l’autorité parentale, avec l’autorisation de l’adolescent lorsque celui-ci est âgé de plus de 14 ans;
  • les tiers concernés, avec l’autorisation de l’adolescent ou, lorsque l’adolescent a moins de 14 ans, l’autorisation du titulaire de l’autorité parentale. Ces tiers doivent cependant être inclus dans la liste des personnes énumérées dans le paragraphe 119(1) de la LSJPA.

Dans un souci de cohérence, les différents ministères québécois concernés par l’application de la LSJPA ont aussi convenu de donner au DP l’accès aux renseignements colligés par les policiers dans le cadre des mesures extrajudiciaires qu’ils appliquent aux adolescents.

Période d’accès

Il existe plusieurs périodes d’accès, qui varient selon la nature de la décision dont a fait l’objet l’adolescent. Lorsque la période d’accès prévue à 119 (2) est écoulée, il n’est plus possible de donner accès au dossier de l’adolescent, sauf dans le cas des exceptions énoncées dans la LSJPA (voir article 123). De plus, l’adolescent concerné et son avocat ont accès de plein droit et en tout temps à tous les dossiers le concernant.

Le lecteur peut se référer à la fiche de la trousse traitant des différentes périodes d’accès.

Il est à noter que les règles d’accès aux dossiers sont très complexes. Une consultation auprès d’un avocat est donc recommandée.

Destruction de dossier

Les dossiers constitués en vertu de la LSJPA peuvent, par la suite, être détruits, comme établi à l’article 128. Cette disposition de la LSJPA ne crée pas d’obligation en ce sens, sauf dans le cas des dossiers conservés dans le répertoire central de la Gendarmerie royale du Canada.

Au Québec, les services de protection et de réadaptation pour les jeunes en difficulté d’adaptation du centre intégré sont régis, en cette matière, par la LSSSS et par la Loi sur les archives. Les dispositions de ces lois s’appliquent dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec celles de la LSJPA ou si elles leur sont complémentaires. Ainsi, pour se conformer à la Loi sur les archives, les services de protection et de réadaptation pour les jeunes en difficulté d’adaptation du centre intégré se sont dotés d’un calendrier de destruction des dossiers qu’ils conservent, y compris les dossiers constitués dans le contexte de l’application de la LSJPA.

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