Gestion des manquements pour les peines ne comportant pas de placement sous garde

Pratiques cliniques

La gestion de manquement implique toujours trois composantes : la prévention des manquements, l’évaluation de tout manquement, et finalement, la réalisation d’interventions cliniques et/ou judiciaires appropriées. Tout manquement doit faire l’objet d’une intervention personnalisée, effectuée selon l’évaluation différentielle, dans le but de protéger le public et de responsabiliser l’adolescent face à sa conduite. 

D'un point de vue légal, la gestion des manquements concernant les peines ne comportant pas de garde est régie par l’article 137 LSJPA qui se lit comme suit:

    137. Toute personne à qui a été imposée une peine spécifique en application des alinéas 42(2)c) à m) ou s) ou à qui a été imposée une     suramende en vertu du paragraphe 53(2) de la présente loi, ou qui a fait l’objet d’une décision en application des alinéas 20(1)a.1) à g), j) ou     l) de la Loi sur les jeunes contrevenants, chapitre Y-1 des Lois révisées du Canada (1985), et qui omet ou refuse de se conformer à la     peine ou à la décision ou d’acquitter la suramende commet une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure     sommaire.

L’article 137 prévoit qu’un adolescent peut faire l’objet d’une nouvelle accusation au tribunal lorsqu’il refuse ou néglige de se conformer à une ordonnance. Ce refus ou cette omission doit être directement lié à la peine et à ses conditions, et reposer sur des éléments vérifiables. Toute personne peut- ce n’est pas une obligation- dénoncer un tel manquement, mais le Directeur provincial (« DP ») doit se doter de balises pour encadrer l’exercice de dénonciation par les intervenants. Le DPCP évalue la preuve et peut décider d'intenter les poursuites qui s’imposent contre l’adolescent. Le fardeau de la preuve repose sur le DPCP.

Soulignons que dans le cas d’une peine rendue en vertu de 42(2) k) et l) LSJPA, soit la probation et le programme d’assistance et de surveillance intensives, l’article 59(2)c) LSJPA prévoit la possibilité de procéder à un examen dans le cas de violation par l’adolescent sans excuse raisonnable d’une telle peine. Le but d’un examen est d’adapter la peine à la suite de modifications de circonstances (de « faits nouveaux »), et non pas de sanctionner l’adolescent. Si l’objectif est de sanctionner l’adolescent pour son manquement, le bon véhicule procédural à utiliser est l’article 137 LSJPA, et non l’examen selon 59 LSJPA.

Concernant les peines impliquant la supervision des conditions par le DP (c.d. l’absolution sous conditions, lorsqu’elle inclut la surveillance par le DP, et le travail bénévole au bénéfice de la collectivité): dans le cadre de la prévention, le DP doit s’assurer de la capacité réelle de l’adolescent de se conformer aux mesures ordonnées, et de mesures de surveillance appropriées, en collaboration avec les parents. Lorsque l’adolescent s’avère incapable d’observer les conditions, il lui appartient normalement de saisir le tribunal d’une demande d’examen. A défaut par lui de se faire, cette démarche peut être faite par le DP. Dans l’évaluation du manquement, le DP doit analyser la nature du manquement, sa gravité, les circonstances de sa commission, et l’attitude de l’adolescent et de ses parents face à celui-ci. Finalement, le DP déterminera quel type d’intervention s’avère nécessaire : l’intervention clinique ET-OU une dénonciation au DPCP conformément à l’article 137 LSJPA. Si le manquement n’engendre pas un risque potentiel pour la sécurité du public et qu’il ne constitue pas de l’opposition aux mesures, il y a lieu d’envisager d’abord une intervention clinique de conscientisation. Si, à l’inverse, le manquement repose sur de l’opposition ou que l’intervention clinique ne porte pas fruit, alors il y a lieu de procéder à une dénonciation au DPCP.

Concernant les peines impliquant un suivi probatoire par le DP: encore une fois, lorsque l’adolescent s’avère incapable d’observer les conditions de sa probation, il lui appartient normalement de saisir lui-même le tribunal d’une demande d’examen. A défaut par lui de se faire, cette démarche peut être faite par le DP. La demande d’examen ne doit être envisagée que pour chercher des modifications à la peine lorsque l’adolescent, pour des raisons valables ou hors de son contrôle, ne peut se soumettre aux conditions de son suivi. Rappelons que le recours à l’examen judiciaire ne vise pas à sanctionner un comportement fautif. Apres évaluation du manquement, le DP déterminera quel type d’intervention s’avère nécessaire : l’intervention clinique ET-OU une dénonciation au DPCP. La dénonciation n’est ni systématique, ni obligatoire. Si le manquement n’engendre pas un risque potentiel pour la sécurité du public et qu’il ne constitue pas une forme d’opposition aux mesures, il y a lieu d’envisager d’abord une intervention clinique. L’intervention clinique peut prendre deux formes : (1) un rappel à l’ordre, verbal ou écrit, avec avis aux parents leur expliquant les conséquences d’un nouveau manquement ou (2) la présentation d’un « plan de rattrapage », à savoir une sanction volontairement acceptée par l’adolescent pour éviter une nouvelle accusation. Si, à l’inverse le manquement repose sur de l’opposition ou que l’intervention clinique ne porte pas fruit, alors il y a lieu de procéder à une dénonciation au DPCP, laquelle contiendra une recommandation sur la mesure jugée appropriée à recommander au tribunal.


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