Fonction et imputabilité du directeur provincial ('DP')

Pratiques cliniques

Fonction de DP: un pilier de l'intervention sociale auprès des jeunes présentant une conduite délinquante

La fonction de Directeur provincial, d’abord créée par la Loi sur les jeunes contrevenants, est au cœur de l’application de la LSJPA en raison des nombreuses attributions qui lui sont confiées.

La fonction de DP peut être exercée par « une personne, un groupe ou catégorie de personnes ou organisme », selon le choix que fait chaque province. Le Québec a décidé de confier cette fonction aux directeurs de la protection de la jeunesse de chacune des régions administratives du Québec (articles et 31 et 33.3. de la Loi sur la protection de la jeunesse, ci-après « LPJ »).  En plus des attributions prévues à la LSJPA, les directeurs de la protection de la jeunesse assument au Québec, par voie de décret, d’autres responsabilités pour lesquelles la LSJPA laisse à chaque province la discrétion de déterminer les mandataires, à savoir notamment :

  • la responsabilité d’octroyer l’autorisation de la détention avant comparution (décret 479-2003);
  • la responsabilité de l’application du programme de sanctions extrajudiciaires (décret 788-84 et arrêté ministériel);
  • la responsabilité de la désignation des délégués à la jeunesse (décret 790-84 pris sous l’égide de la LJC et encore applicable via l’article 165(3) LJSPA).

En se voyant confier toutes ces attributions, le DP devient le pilier de l’intervention sociale auprès des adolescents qui présentent une conduite délinquante.

Le Québec a choisi non seulement d’intégrer l’intervention en matière de délinquance juvénile à l’organisation des services sociaux, mais aussi de désigner une personne physique plutôt qu'une organisation pour exercer l’ensemble de ces fonctions.

Mécanisme d’autorisation et principe d’imputabilité

Évidemment, le directeur provincial ne peut agir seul pour remplir toutes ces obligations. Il est donc prévu qu’il puisse autoriser une personne à exercer, en son nom, les pouvoirs et les fonctions que lui attribue la LSJPA. Il s’agit toutefois d’une autorisation et non d’une délégation de pouvoir, l’autorisation n’impliquant aucun transfert de pouvoir ou d’imputabilité. Ainsi, une responsabilité ainsi exercée par une personne autorisée est réputée avoir été exercée par le titulaire de cette responsabilité, soit le directeur provincial. Le DP assume personnellement l’exécution des responsabilités et l’exercice des attributions qui lui sont confiées par les dispositions de la LSJPA. Il en est imputable, l’imputabilité étant la responsabilité de réaliser le mandat confié et d’en rendre compte à celui qui lui confie ces attributions ainsi que les pouvoirs nécessaires à leur exécution[3].

Certaines attributions sont exclusives (doivent être exercées par le DP lui-même), d’autres sont discrétionnaires (peuvent être exercées par la personne autorisée), et finalement, certaines sont dites clinico-administratives.

En conclusion, lorsque le DP « autorise », il le fait toujours en vertu de dispositions qui le lui permettent, et qui le rendent imputable :

· lorsqu’il exerce les responsabilités attribuées au directeur provincial par la LSJPA, il autorise en vertu de l’article 22 de la LSJPA;

· lorsqu’il exerce des responsabilités qui lui sont confiées par un décret provincial concernant la détention provisoire, adopté en vertu des pouvoirs accordés à la province par la LSJPA, le directeur de la protection de la jeunesse autorise en vertu de l’article 33 de la LPJ;

· lorsqu’il exerce les responsabilités qui lui sont confiées en vertu du programme de mesures de rechange, c’est en vertu de l’article 3 du programme de mesures de rechange;

· lorsqu’il agit en vertu du Code de procédure pénale, il autorise en vertu de l’article 33 de la LPJ.

Conséquences du principe d'imputabilité du DP

Comme mentionné plus haut, le directeur provincial demeure responsable de l’exercice des fonctions qu’il a confiées à d’autres personnes. C’est au directeur provincial que l’on demandera des comptes en cas de mauvaise exécution, d’erreur ou de faute. La faute d’une personne qu’il a autorisée à exercer des fonctions pourra même, dans certaines circonstances, engager sa responsabilité. Le DP peut donc engager sa responsabilité civile (être défendeur dans une poursuite en dommages et intérêt), et, de façon exceptionnelle, sa responsabilité pénale.

Afin de déterminer si la responsabilité civile du DP est engagée, le demandeur aura le fardeau de preuve de prouver qu’il y a eu faute, dommage et lien de causalité entre les deux.

Une telle imputabilité du DP n’a pas pour effet d’enlever toute responsabilité aux personnes qui commettent des fautes ou qui font preuve de négligence grave dans l’exercice de leurs fonctions, ou encore aux établissements qui omettent de remplir la mission qui leur est confiée par leur loi habilitante ou qui ne se conforment pas aux directives formulées par le directeur provincial. En effet, plusieurs acteurs pourraient engager leur responsabilité dans une même poursuite par exemple.

Essentiellement, le DP doit notamment, pour faire preuve de diligence dans le cadre de ses fonctions :

  • s’assurer que les personnes autorisées et les délégués détiennent les compétences nécessaires à l’exécution des responsabilités qu’il désire leur confier; le choix des personnes doit reposer sur une évaluation sérieuse de leurs compétences et le maintien de celles-ci;
  • émettre des balises, conditions d’exercice, normes, critères, et directives claires quant à l’exercice de ces fonctions;
  • s’assurer de conserver sa faculté de modifier, d’annuler ou d’infirmer la décision prise par la personne autorisée;
  • s’assurer qu’on lui rend compte des décisions prises en son nom;

Dans certains cas, le DP peut autoriser des personnes -physiques ou morales-, à l’externe, pour rendre certains services, mais se faisant il doit demeurer prudent et est en tout temps imputable.

Finalement, les établissements doivent, de leur côté, fournir au directeur provincial les moyens de remplir leurs obligations.



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