Transferts interrégionaux et interprovinciaux

Pratiques cliniques

Le transfert du dossier d’un adolescent d’une région du Québec à une autre, ou d’une province à une autre, s’avère parfois nécessaire pour permettre ou faciliter l’application de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (ci-après LSJPA).

Un transfert peut s’effectuer à divers moments du processus :  parfois dès l’étape de la comparution de l’adolescent au tribunal, ou encore, durant l’exécution des mesures imposées par le tribunal. Dans ce dernier cas, un changement de juridiction/changement de ressort peut s’avérer nécessaire.

Les règles applicables différeront selon la situation. S’il s’agit d’un transfert interrégional à l’intérieur du Québec, c’est la politique établie par l’Association des centres jeunesse du Québec (anciennement            l’« ACJQ », avant son abolition) qui s’appliquera. S’il s’agit plutôt d’un transfert hors Québec, il faudra se référer à une entente spécifique, souvent ponctuelle, convenue entre le Québec et l’autre province concernée.

La règle générale est que le procès doit avoir lieu dans le district judiciaire où l’infraction a été commise : c’est donc le tribunal du district judiciaire où a été commise l’infraction qui a compétence pour entendre le procès. Toutefois, le législateur a cru bon prévoir plusieurs exceptions.

Transfert au stade de la comparution

Le Code criminel prévoit toutefois des circonstances qui permettent, au stade de la comparution, de procéder au transfert des procédures dans le district judiciaire compétent de la résidence de l’adolescent. Les articles 479 et 478(3) du Code criminel concernent respectivement les transferts à l’intérieur d’une même province et les transferts interprovinciaux, et sont rendus applicables aux adolescents en raison de l’article 140 LSJPA. Il est important de souligner que de tels transferts, interprovinciaux ou interrégionaux, sont conditionnels à l’engagement préalable de l’adolescent à plaider coupable à l’infraction dont il est accusé. Si l’adolescent entend plaider non coupable, le transfert du dossier ne peut avoir lieu, et le procès doit se tenir dans le district judiciaire où a été commise l’infraction.

Transfert au moment de l’exécution de la peine

Lors de l’éventualité d’un changement de résidence durant l’exécution de la peine, c’est généralement le directeur provincial et le centre intégré de la nouvelle région de résidence de l’adolescent qui assumeront la poursuite de la prise en charge de la situation de l’adolescent, à la demande du directeur provincial du lieu de résidence initial. Il s’agit d’un transfert administratif et clinique qui ne nécessite au préalable aucune démarche judiciaire. Dans un tel cas, il y a un réel transfert de responsabilités et d’obligations de part et d’autre. Un tel transfert est possible pour tous les types de mesures prévues dans la LSJPA, y compris celles comportant de la garde. Parfois, ce sont plutôt des situations ponctuelles de collaboration entre centres intégrés qui surviendront. Par exemple, un adolescent pourrait avoir besoin de bénéficier de services qui ne sont pas offerts dans sa région de résidence. Dans un tel cas, les intervenants concernés de régions différentes interviennent à titre de collaborateurs, et aucune démarche juridique préalable n’est nécessaire. Notons que, pour ces deux situations (transfert de responsabilités et situation de collaboration), le tribunal qui a imposé la peine à l’origine du transfert conserve l’entière juridiction concernant cette peine ; il n’y a donc pas de « changement de ressort ». Ainsi, tous les recours judiciaires réalisés dans le contexte de son application, tels les examens et les recours liés à la gestion des manquements, doivent être exercés devant le tribunal qui a rendu la peine. Toutefois, la dénonciation effectuée en vertu de l’article 137 LSJPA doit être faite dans le district judiciaire où a eu lieu le manquement.

Changement de ressort

Le changement de ressort, c’est-à-dire un transfert de compétence juridictionnel d’un district judiciaire à un autre, est gouverné par des règles spécifiques.

L’article 57 LSJPA précise les modalités concernant le changement de ressort lorsqu’un adolescent devient résident d’un district situé hors du district judiciaire où lui a été imposée la peine. Cet article ne s’applique toutefois qu’aux peines ne comportant pas de garde. Si le changement de ressort est accordé, les recours pouvant être exercés au regard de la peine imposée se font dans le nouveau district de résidence de l’adolescent. L’article 57 se lit :

 57. (1) Dans le cas où une peine spécifique est imposée à l’adolescent en application des alinéas 42(2)d) à i) ou k), l) ou s) et que celui-ci ou l’un de ses père ou mère avec qui il réside est ou devient résident d’un district judiciaire situé hors du ressort du tribunal qui a imposé la peine – que ce soit ou non dans la même province –, un juge du tribunal pour adolescents du district judiciaire où la peine a été imposée peut, sur demande du procureur général ou sur demande de l’adolescent ou de ses père ou mère, avec le consentement du procureur général, transférer la peine et la partie pertinente du dossier de l’instance au tribunal pour adolescents du district judiciaire de la résidence; toute autre procédure relative à la cause relève dès lors de la compétence de ce tribunal.

(2) Aucun transfert ne peut, sous le régime du présent article, s’effectuer d’une province à une autre avant l’expiration du délai d’appel de la peine ou des conclusions sur lesquelles elle est fondée ou avant la fin de toutes les procédures découlant de l’appel.

 (3) Lorsqu’une demande a été présentée dans le cadre du paragraphe (1) en vue du transfert de la peine imposée à l’adolescent à une province où il a le statut d’adulte, le tribunal pour adolescents peut, avec le consentement du procureur général, transférer la peine et le dossier de l’instance au tribunal pour adolescents de la province en question. Le tribunal pour adolescents auquel l’affaire est transférée a pleine compétence en ce qui concerne la peine, comme s’il l’avait imposée, l’adolescent restant soumis à l’application de la présente loi. (nos surlignements)

Il est important de souligner que le directeur provincial ne peut pas présenter lui-même une demande pour obtenir un tel transfert. Ce sont soit le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), soit l’adolescent ou son père ou sa mère qui peuvent présenter une telle demande au tribunal. Lorsque la demande est présentée par l’adolescent ou par ses parents, le Directeur des poursuites criminelles et pénales doit y consentir pour que le tribunal puisse l’accepter.

L’article 58 LSJPA comporte les dispositions concernant les transferts de dossiers constitués pour les peines imposées en vertu des alinéas k) à r), ce qui comprend les peines de probation, d’assistance et de surveillance intensives ainsi que les différents types de peines comportant un placement sous garde. Il se lit :

58. (1) La peine spécifique imposée en application des alinéas 42(2)k) à r) dans une province  peut être purgée dans toute autre province qui a conclu avec la première un accord à cet effet.

 (2) Sous réserve du paragraphe (3), si la peine imposée à un adolescent est purgée dans le cadre du présent article, dans une province autre que celle où la peine a été imposée, le tribunal pour adolescents de la province où la peine a été imposée conserve, pour l’application de la présente loi, une compétence exclusive à l’égard de l’adolescent comme si la peine était purgée dans cette dernière province; tout mandat ou acte de procédure délivré à l’égard de l’adolescent peut être exécuté ou signifié au Canada, hors de la province où la peine a été imposée, comme si l’exécution ou la signification s’effectuait dans cette province.

 (3) Lorsque, aux termes d’une peine imposée dans le cadre du présent article, un adolescent est           soumis à des mesures dans une province autre que celle où la peine a été imposée, le tribunal pour adolescents de la province où la peine a été imposée peut, avec le consentement écrit du  procureur général de cette dernière province et de l’adolescent, renoncer à exercer sa compétence pour toute procédure prévue à la présente loi en faveur d’un tribunal pour adolescents siégeant dans la province où la peine est purgée, auquel cas le tribunal pour adolescents de la province où celle-ci est purgée a pleine compétence en ce qui concerne la peine, comme s’il l’avait imposée. (nos surlignements)

L’accord dont il est question au paragraphe 1 de l’article 58 peut prendre la forme d’une entente formelle entre deux provinces, mais peut aussi être établi à titre d’entente spécifique à la situation particulière d’un adolescent. Actuellement, il n’existe aucune entente formelle de transfert entre le Québec et les autres provinces, donc il s’agit d’entente spécifique, au cas par cas.

Balises cliniques

Généralement, trois situations peuvent nécessiter un transfert de dossier d’une région à l’autre :

  • La commission d’un délit par un adolescent dans une région ou une province autre que celle où réside sa famille;
  • Le déménagement de la famille dans une autre région ou une autre province;
  • Le déménagement de l’adolescent dans une autre région ou une autre province afin d’y réaliser un projet scolaire ou professionnel.

Les différents types de transfert de dossier constitué par un établissement concerneront généralement : soit les demandes de collaboration et ententes de service, soit les transferts effectués dans le contexte du recours au programme de sanctions extrajudiciaires, soit finalement ceux effectués durant l’exécution des peines spécifiques imposées par le tribunal.

En terminant, soulignons que dans chaque établissement doit désigner un « répondant aux transferts ». Ce répondant a la responsabilité de s’assurer de la conformité des demandes de transfert et de la transmission des renseignements nécessaires pour se faire. Au préalable, le Directeur aux poursuites criminelles et pénales doit autoriser le transfert. Ce répondant doit également faire le pont avec le MSSS.

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